vendredi 23 mai 2014

TEXTE DE CHARLOTTE GOULD

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Le travail de Bruce et Catherine Gould s’inscrit à la fois dans son époque (quelle céramique aujourd’hui ?) et dans un contexte géographique (impression des paysages finistériens). Pourtant ces inscriptions spatiale et temporelle ne fonctionnent pas sur un mode figé, elles définissent des ancrages qui permettent la distance. En négatif se révèle l’influence de pratiques traditionnelles ou étrangères, plus particulièrement japonaises. Sur des palimpsestes en relief affleurent la variété de l’opération, l’indétermination entre cassures abstraites et représentation de l’horizon, une stratification presque géologique des matières. Si bien que la ligne traditionnelle et technique qui parcourt ces formes contemporaines va au-delà de la citation, elle est ce qui est déjà contenu dans la pièce.
Contenu et contenant ne définissent alors pas simplement la physicalité de ces céramiques. Ce que la structure recouvre et découvre est le jeu (au sens de « il y a du jeu ») qui subsiste où se rencontrent l’appréhension, le visible, et l’élaboration, l’invisible qui informe ce visible. Tournées ou assemblées, les pièces reçoivent leurs inflexions de l’intérieur où appuie la main, mais, si le tactile crée le visible, ce dernier appelle le tactile, la manipulation. Les parents préviennent les enfants des implications de ce jeu synesthésique : « on touche avec les yeux ».
Cette élaboration qui se dérobe dans le processus d’appréhension va également à l’encontre de la matière, travaille contre ses codes. La délicatesse supposée de la porcelaine et son emploi décoratif habituel sont contredits par son épaisseur et sa juxtaposition avec le grès. Ce travail à la plaque fait fi de la doxa technique : une telle alliance de supports ne devrait pas fonctionner. Bruce et Catherine Gould travaillent alors aux confins de la technique, dans ce paradoxe qu’est la recherche de la contingence. L’accident est proposé plutôt qu’empêché, aussi bien dans l’émaillage que dans les « coutures » des pots, et révélé par la cuisson. La tension extérieur-intérieur des pièces ne joue pas à cache-cache mais, au contraire, fait du visible la promesse de l’invisible, du possible.



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