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Le travail de Bruce et Catherine
Gould s’inscrit à la fois dans son époque (quelle céramique aujourd’hui ?) et
dans un contexte géographique (impression des paysages finistériens). Pourtant
ces inscriptions spatiale et temporelle ne fonctionnent pas sur un mode figé,
elles définissent des ancrages qui permettent la distance. En négatif se révèle
l’influence de pratiques traditionnelles ou étrangères, plus particulièrement
japonaises. Sur des palimpsestes en relief affleurent la variété de
l’opération, l’indétermination entre cassures abstraites et représentation de
l’horizon, une stratification presque géologique des matières. Si bien que la
ligne traditionnelle et technique qui parcourt ces formes contemporaines va au-delà
de la citation, elle est ce qui est déjà contenu dans la pièce.
Contenu et contenant ne
définissent alors pas simplement la physicalité de ces céramiques. Ce que la
structure recouvre et découvre est le jeu (au sens de « il y a du jeu ») qui
subsiste où se rencontrent l’appréhension, le visible, et l’élaboration,
l’invisible qui informe ce visible. Tournées ou assemblées, les pièces
reçoivent leurs inflexions de l’intérieur où appuie la main, mais, si le
tactile crée le visible, ce dernier appelle le tactile, la manipulation. Les
parents préviennent les enfants des implications de ce jeu synesthésique : « on
touche avec les yeux ».
Cette élaboration qui se dérobe
dans le processus d’appréhension va également à l’encontre de la matière,
travaille contre ses codes. La délicatesse supposée de la porcelaine et son
emploi décoratif habituel sont contredits par son épaisseur et sa juxtaposition
avec le grès. Ce travail à la plaque fait fi de la doxa technique : une telle
alliance de supports ne devrait pas fonctionner. Bruce et Catherine Gould
travaillent alors aux confins de la technique, dans ce paradoxe qu’est la
recherche de la contingence. L’accident est proposé plutôt qu’empêché, aussi
bien dans l’émaillage que dans les « coutures » des pots, et révélé par la
cuisson. La tension extérieur-intérieur des pièces ne joue pas à cache-cache
mais, au contraire, fait du visible la promesse de l’invisible, du possible.